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Croissance bactérienne : grandeurs et unités

Retrouvez ci-dessous des échanges ayant eu lieu (en 2004 je crois...) sur la liste de diffusion des adhérents de l'UPBM, à propos des unités de la croissance bactérienne. Du neuf en 2012 : la conversation repart... voir en bas de page


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J'aurais aimé avoir une précision sur la définition du taux de croissance bactérien "µ", car, à la lecture de différents documents, j'ai eu parfois l'impression qu'il y avait confusion entre les différents paramètres de mesure de la croissance microbienne.
Les définitions ci-dessous sont-elles justes ?
G = temps de génération = durée nécessaire au doublement de la population
µ = taux de croissance népérien = vitesse spécifique de croissance en h-1
r (ou v) = taux de croissance horaire en div.h-1
avec les relations : µ = r x ln 2 et G = 1/r
Donc, lorsqu'on affirme pour E. coli par exemple que G = 20 mn et µ = 3 div.h-1, y a-t-il une erreur ? N'est-ce pas plutôt "r" qui est égal à 3, et µ = r x ln 2 = 2 h-1 ?
Quel paramètre utilise-t-on le plus couramment pour comparer deux souches, ou la même souche dans des conditions de culture différentes ? Je trouve que le nombre de divisions par heure est plus "parlant" que le taux de croissance népérien, et pourtant il semble que l'on parle toujours du "µ", pourquoi ?
Par avance merci de vos réponses.
CP, prof de techno et microbio alimentaire.

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Je pense que les définitions de CP sont les bonnes pour G, µ et r.
Le pb posé n'est pas nouveau et ceux qui n'étudient pas la croissance d'un =point de vue industriel ne peuvent pas comprendre l'intérêt de µ, paramètre=qui ne veut rien dire sauf qu'il est la pente de la courbe ln(C) = f(t).Cela conduit à imposer parfois une courbe en ln au lieu de log, même si, pour d'autres paramètres industriels, par ex en stérilisation ou pasteurisation, c'est le décimal qui est prioritaire (à cause des réductions décimales).
Hormis pour des raisons industrielles particulières, il me semble clair qu'il faut donner r plutôt que µ dont l'unité ne peut qu'échapper à mes neurones !
Jean-Noël
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La vitesse spécifique de croissance représente la vitesse de croissance (dX/dt) ramenée à 1 g de biomasse (dX/dt *1/X). Ce paramètre est un bon reflet de la physiologie cellulaire que la population (N). En effet la biomasse (X) peut augmenter sans qu'il y ait augmentation du nombre d'individus (phase de croissance avant divison, microorganismes filamenteux).
Le terme taux de croissance qui fait référence à la population n'a de sens que pour les microrganismes unicellulaires (bactéries), mais montre tout de suite ses limites dans le cas des microorganismes filamenteux.
Si on utilise la biomasse il me semble que le terme vitesse spécifique est plus adéquat que le terme taux de croissance (faisant référence à la population).
Mostafa

http://www.biomultimedia.net
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Ce que nous appelons pompeusement taux de croissance népérien est exactement la même chose que le taux d'intérêt d'un livret de caisse d'épargne. Le livret A de la caisse d'épargne est à 2.5 %(sous-entendu en 1 an). Cela signifie qu'au bout d'un an, 100 euros sont devenus 102.5 euros.
Soit une population bactérienne dont le taux de croissance est de 2.5 % par minute (nous disons dans notre jargon que son taux de croissance népérien est 0.025.min-1). Selon le critère choisi pour mesurer la population bactérienne (nombre de cellules, concentration cellulaire, biomasse ou absorbance), on peut dire qu'en une minute ce critère  augmentera de 2.5 %.
On peut alors se poser pour le plaisir une première question: combien faut-il de temps pour que cette population double ? Ce temps (que nous appelons G) est donné par la relation : Ln 2X = LnX +0.025 G soit : 0.025 G = Ln 2
d'où : G = 28min. Pendant qu'on y est, on peut aussi se demander combien il y a de doublements en 1 heure .
Le nombre de doublements en 1 heure est : r = 60/28 = 2
Je propose de faire des économies sur le langage et de laisser tomber ce qui est inutile ou prête à confusion : taux de croissance népérien, taux de croissance horaire, génération (une génération perdue de plus!), division, temps de génération et de ne conserver que le taux de croissance en % par unité de temps et le mot doublement.
Jean
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Bonjour,
"Dans les temps anciens", on disait (je recopie) :
TL = temps qui se serait écoulé entre le moment de l'ensemencement réel et le moment où l'on aurait effectivement ensemencé une culture qui serait tout de suite entrée en phase exponentielle. ou encore :
TL = tR - ti = intervalle de temps entre le temps tR auquel la culture a atteint une certaine densité xR et le temps ti auquel la culture aurait atteint la même densité si la croissance avait été exponentielle dès l'inoculum. Ce temps se détermine comme l'indique Jean-Noël.
C'est aussi le temps L1 de Marianne, à condition de faire passer l'axe des temps par l'origine de la courbe de croissance.
Pour moi la latence correspond à un taux de croisance µ=0; C'est donc la
latence vraie la seconde phase (comprise entre "latence vraie" et "latence théorique") est dite phase d'accélération car µ augmente progressivement jusqu'à atteindre sa valeur constante de la phase exponentielle
J'aime bien le schéma de Jean Noel car il permet une détermination précise
de la durée de ces deux phases
Françoise
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Bonsoir,
Le taux de croissance a déjà fait l'objet d'échanges intéressants sur la liste il y a quelques mois.
Je définirais le taux de croissance (en laissant tomber népérien qui comme son nom l'indique n'apporte rien) comme le pourcentage d'augmentation d'une grandeur (nombre, masse, concentration...) par unité de temps. C'est la même chose que le taux d'intérêt d'un placement.
Ainsi, si pour E.coli le taux de croissance est de 3.5% par minute, cela signifie qu'au bout d'une minute 100 bactéries sont devenues 103.5 bactéries.
Dans ces conditions, le temps de doublement est donné par :
200=100*EXP(0.035*t) soit : t= LN(2)/0.035 = 20 min
Le nombre de divisions par heure (appelé taux de croissance horaire) est : r = 60/20 = 3
Pour ma part, et si j'en avais le pouvoir, je ne conserverais que le taux de croissance µ en % par unité de temps et je ne retiendrais que la relation :
Nt = No * EXP(µ * t)
Le taux de croissance horaire n'est pas un taux de croissance au sens où on l'entend partout ailleurs.
100 bactéries qui se divisent 3 fois donnent 800 bactéries, ce qui fait un taux de croissance par heure de 800% et non de 3.
Un banquier annonce à son client un taux d'intérêt de 3.5% annuel. Il ne lui dit pas que son capital doublera tous les 20 ans ou qu'il doublera 5 fois en un siècle!
En espérant ne pas m'être pris les pieds dans les pourcentages.
Jean
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Il n'est pas facile de savoir si l'on doit utilise les log népériens ou décimaux, r, µ ou G dans la croissance.
Il me semble que deux conceptions "s'affrontent" sans qu'il soit simple de
choisir, si un choix est possible.
Il faut dire que la démonstration de Jean est particulièrement pertinente !
J'ajouterai les choses suivantes :
- si on parle de G (Delta(t)/n, n nombre de générations dans la durée Delta(t)),
il est difficile d'échapper à r qui est l'inverse. On peut faire l'impasse mais G demeure.
- l'habitude est d'utiliser des log décimaux : faut-il les proscrire pour la croissance (personnellement cela ne me gène pas mais pour les apprenants...)
- l'utilisation de l'accroissement proportionnel au nombre initial (Delta(n)/n =
k dt) c'est du calcul infinitésimal dont l'approche est délicate dans les esprits car peut être peu naturelle. J'avoue être un peu réfractaire à l'affirmation initiale qu'il faut admettre.
En définitive, il ne me parait pas évident qu'il faille abandonner r, le taux de
croissance horaire, mais Jean me persuade de
l'intérêt de µ. Ce que je regrette est que le µ de la caisse d'épargne n'assure
pas un doublement plus rapide de mon capital !
A+
Jean-Noël
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Bonsoir,
Mes considérations précédentes sur le taux de croissance relevaient un peu de la provocation. Elles expriment mon point de vue. Je me range cependant à l'avis de Jean-Noël : dans l'état actuel des choses, un enseignant responsable de terminale STL ne peut faire l'impasse du temps de génération G et de son inverse r.
Voici quelques observations.
- Il y a une loi fondamentale de la croissance : N =No*EXP(µ*t)
- Il existe une version de cette loi adaptée à la division binaire des bactéries : N = No * 2 ^(r*t)
- Le malheur est que, selon les livres et les époques, les paramètres µ et r sautent d'une version à l'autre, créant la plus grande confusion.
- Le temps de génération et le nombre de divisions par unité de temps ne sont pas plus difficiles à calculer avec la loi fondamentale qu'avec sa version binaire.
-L'étude des modèles de croissance microbienne dans le Scriban de Biotechnologie ne prend en compte que µ appelé vitesse spécifique de croissance ou taux de croissance: h-1 et défini par : dX/dt= µX.

Ne serait-il pas plus clair de ne plus appeler taux de croissance le nombre de doublements (ou de divisions) par unité de temps et de distinguer :
- taux de croissance par unité de temps,
- et nombre de divisions par unité de temps ?

Jean

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Le 18 octobre 2012 09:36, Chantal a écrit :
    Bonjour,
    je me pose un problème "mathématique"
    On calcule µ = ln2/G  ou G = ln2/µ selon les énoncés quand on a une représentation népérienne.
    Si on a logN = f(tps) la pente de la droite représente µlog2 mais peut-on calculer alors G = log2/µ ?
    On retrouve d’ailleurs les 2 types de représentation lnN =f(t) et logN = f(t); pourquoi?
    Faut-il en privilégier une par rapport à l'autre pour la formation de nos élèves?
    Merci d'avance pour vos réponses,
    Chantal
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Le 19/10/2012 11:18, Jean Pierre a écrit :
Bonjour
Je comprends que les "G" parlent à Jean Noël vu leur diversité (jet, geai, jais et j'ai du oublier qq points...).
Si G me parle, µ me parle tout autant.
µ me permet de savoir combien de g de biomasse je peux espérer obtenir en une heure à partir d'un gramme de biomasse ou combien de bactéries je peux espérer obtenir par unité de temps à partir d'une bactérie. Un grand nombre de facteurs influencent µ, ils m'intéressent... (ils influencent aussi G)....
Mais µ me permet de calculer combien je dois attendre pour avoir N bactéries à partir de No plus facilement qu'avec G qui ne me permet qu'un encadrement en peu bestial... (combien de temps incuber pour obtenir 850 millions de bactéries à partir de 15 000 bactéries?).
Je vois donc une complémentarité entre ces deux paramètres des cultures.
Mais je pense qu'il faut revenir aux fondamentaux pour comprendre l'intérêt du logarithme népérien et de µ.
Le modèle de départ est
dN/dt = µ N
d'où on tire facilement
lnN = lnNo + µt
si t = G, alors N = 2 No et donc
ln2 = µ G
et donc
G = ln2/µ
comme l'écrit Chantal.
Mais log2 = ln2/ln10
et donc
ln2 = log2 . ln10
et donc
G = (log2.Ln10)/µ
ce qui a peu d'intérêt ici...
Mais si on repart de
lnN = lnNo + µt
et qu'on divise par ln10
on obtient
logN = logNo + ( µ / ln10 ) t
La pente vaut donc µ / ln10 et non µln2....
A t=G, N = 2 No
et donc on obtient
log2 = (µ / ln10) G
ou encore
G = (log2. ln10) / µ
Ce qui est la même chose que ci-dessus, ouf...
Donc G ne vaut pas log2/µ.
Log ou ln?
La théorie conduit au ln.
Pourquoi  passer au log?
On peut s'en passer...
mais, des "logs" en ordonnées d'une courbe de croissance qui valent 5, 6 ou 7 ça me parle...
(il y a 100 000; un million ou 10 millions de bactéries par ?)
tandis que
1,60943791
1,79175947
1,94591015
1,94591015
qui sont respectivement ln5, ln 6 et ln7
ça me parle un peu moins...
Question de génération????
Bonne lecture.
Jean Pierre
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Le 19/10/2012 22:33, Fabien a écrit :
Bonsoir
Je pense qu'avant de débattre de la légitimité du Ln ou du Log, il faut en effet repartir de la définition et de l'intérêt de la vitesse SPECIFIQUE de croissance (le mot spécifique a un vrai intérêt ici, voir ci-dessous).
Avant même de passer en Ln, la croissance est avant tout une évolution de la biomasse X (ou de la concentration cellulaire N, ou encore de la DO de la culture… ce que vous voulez).
Ainsi, la croissance X=f(t) admet une vitesse volumique de croissance, parfois appelée r'''x et définie comme toute vitesse, c'est-à-dire une dérivée première de la grandeur par rapport au temps, soit dX/dt. Cette vitesse (car c'en est une) s'exprime en g/L/h, ou en cellules/L/h (selon l'unité de X… classiquement de la biomasse donc en g/L).
Le problème qu'il y a, c'est que si je fais 2 croissances avec 2 souches différentes, ou si je fais 2 croissances de la même souche dans des conditions différentes, ce paramètre r'''x n'est pas comparable, car il dépend avant tout de la biomasse présente.
Pour s'en "débarrasser" (de l'influence de la biomasse) - et pour pouvoir alors comparer deux croissances différentes - , pourquoi ne pas tout simplement diviser ce paramètre par la biomasse X elle-même, et ainsi ramener la vitesse à l'unité de biomasse?
C'est bien le sens du "spécifique"  qui indique que ce paramètre est alors une caractéristique propre de la souche dans des conditions données, et qu'il ne dépend pas de la quantité de souche introduite dans le système (de même que les activités spécifiques, en enzymo, sont bien des activités ramenés à la masse de protéines ou d'enzyme: le but étant là aussi d'avoir un paramètre qui ne dépend pas de la masse d'enzyme mais qui est bien une caractéristique de l'enzyme elle-même, dans des conditions données).
On obtient alors une nouvelle vitesse, qui s'exprime comme suit: r'''x/X = (dX/dt)*(1/X).
Et c'est là que les mathématiques sont utiles, car si l'on a des souvenirs des dérivés et des primitives, il se trouve que (oh miracle) cette expression n'est rien d'autre que la dérivée première de la fonction Ln par rapport au temps.
Soit (dX/dt)*(1/X) = d(LnX)/dt
Et l'on retrouve alors une expression bien connue: la dérivée première de LnX par rapport au temps n'est rien d'autre que la pente de la tangente en tout point à la courbe LnX=f(t) (donc la "courbe de croissance"...).
En phase expo (qui se trouve linéarisée dans cette représentation), la courbe se "confond" avec sa tangente, et on détermine alors simplement la pente de la courbe pendant cette phase, pour calculer une grandeur appelée µ (ou aussi "Qx"…).
Ainsi µ (ou Qx) est bien définie comme d(LnX)/dt…
Je pense alors que le logarithme népérien a une vraie valeur…
Remarque: l'utilisation de la notation "Q" (avec en indice le paramètre pris en compte, par exemple X pour la biomasse) est intéressant, car il permet ensuite d'extrapoler cette notion de vitesse spécifique à toute autre variation d'un paramètre de la croissance. On définit alors les "Q" comme étant des vitesses spécifiques: on peut par exemple définir un Qs (vitesse spécifique de consommation du substrat), un Qp (vitesse spécifique de production)…
Comme précédemment, ces vitesses sont encore une fois définies comme des variations de la grandeurs par rapport au temps (donc des dérivées premières de type dS/dt ou dP/dt) et ramenées à l'unité de biomasse (X), d'où le nom "spécifique".

Fabien
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et le même un peu plus tard
Rebonsoir
Je voulais préciser deux choses supplémentaires:
1) Bien sûr, vous l'aurez compris, en divisant ma vitesse volumique r'''x (en g/L/h) par la biomasse (en g/L), je me retrouve bien avec l'unité bien connue de la vitesse spécifique, soit des h–1.
2) Le fait de repartir de la représentation la plus évidence (X=f(t)) est important pour comprendre justement l'intérêt du Ln pour linéariser.
La première représentation, la représentation la plus "naturelle" d'un phénomène qui évolue au cours du temps, est une représentation primaire évidente: le phénomène en fonction du temps. Ainsi, la représentation X=f(t) est "naturelle" (bien plus que LnX=f(t) en tout cas), puisqu'elle est directement issue des résultats expérimentaux, sans transformation!
Reprenons ensuite la vitesse définie sur cette courbe "naturelle" X=f(t): cette vitesse (r'''x) évolue au cours même de la phase expo (dX/dt est la pente de la tangente à la courbe exponentielle, elle augmente donc au cours de cette phase).
MAIS si je divise cette valeur (qui augmente) par X (qui augmente aussi… de la même façon), alors forcément j'obtiens une constante: et on retrouve alors une propriété bien connue (mais souvent plus admise que comprise) qui est que µ (qui est en fait (dX/dt)*(1/X) est constante pendant la phase expo.
OR, comme (dX/dt)*(1/X) = d(LnX)/dt , µ est la pente (constante) de la courbe qui serait tracée en Ln (et qui est alors une courbe "construite" à partir de la courbe naturelle obtenue par l'expérience): et une pente constante représente une droite… Et là encore, on retrouve la représentation bien connue de la phase exponentielle comme la partie linéaire de la courbe LnX...

Franchement, y a clairement quelque chose de super intéressant à faire avec les profs de maths, non?
Fabien